L'évolution du paysage juridique des transferts transatlantiques
Le transfert de données personnelles entre l'Union européenne et les États-Unis a connu une évolution juridique tumultueuse. Après l'invalidation du Safe Harbor en 2015, puis du Privacy Shield en 2020 par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt "Schrems II", les entreprises européennes ont dû naviguer dans un environnement réglementaire complexe pour leurs transferts de données vers les États-Unis.
L'impact des lois américaines sur la protection des données
Des lois américaines, comme le CLOUD Act et la FISA Section 702, permettent aux autorités des États-Unis d'accéder aux données stockées par des entreprises américaines, même si ces données sont hébergées en Europe. La section 702 de la loi FISA autorise les agences de renseignement américaines à collecter, sans mandat et de façon massive, les données numériques des personnes non américaines situées hors des États-Unis. Ces lois représentent une source de préoccupation majeure pour la protection des données européennes, car elles permettent aux services de renseignement américains d'accéder aux données personnelles des citoyens européens sans les garanties procédurales habituelles.
Le FISA section 702 n'a pas de visée extraterritoriale, c'est-à-dire qu'il n'est applicable qu'auprès d'entreprises opérant sur le territoire américain. Cependant, si ces entreprises ont la capacité d'accéder à distance à des serveurs situés à l'étranger, les données deviennent potentiellement accessibles aux autorités américaines. Cette situation pose des problèmes de conformité avec le RGPD.
Décision d'adéquation et le Transatlantic Data Privacy Framework (TADPF)
Depuis la décision de la Commission européenne du 10 juillet 2023, les transferts de données vers des entreprises américaines certifiées dans le cadre du Transatlantic Data Privacy Framework (TADPF) sont autorisés sans encadrement spécifique. Cette décision reconnaît que les États-Unis assurent un niveau de protection substantiellement équivalent à celui de l'Union européenne.
Conditions de certification et fonctionnement du TADPF
Pour bénéficier du TADPF, les entreprises américaines doivent s'auto-certifier en respectant les principes du Data Privacy Framework. Cette certification nécessite d'être soumis au pouvoir d'enquête et d'exécution de la Federal Trade Commission (FTC) ou du Department of Transportation (DoT). Les entreprises doivent également publier une politique de confidentialité conforme aux principes du TADPF et renouveler leur certification chaque année.
La liste des entreprises certifiées est gérée et publiée par le ministère américain du Commerce. Les entreprises qui étaient déjà certifiées sous l'ancien Privacy Shield ont été automatiquement inscrites sur la nouvelle liste du TADPF. Ces entreprises doivent figurer sur cette liste pour permettre des transferts de données sans garanties supplémentaires.
Surveillance et mécanismes de contrôle du TADPF
Le TADPF introduit plusieurs améliorations par rapport au Privacy Shield, notamment la création d'un mécanisme de recours indépendant et des garanties renforcées concernant l'accès aux données par les services de renseignement américains. Ces derniers doivent désormais s'assurer que leur collecte est "nécessaire et proportionnée" et peuvent se faire contrôler grâce à un nouveau mécanisme de recours.
Cependant, le TADPF fait face à des défis importants. L'administration Trump a récemment remis en question l'indépendance des organes de surveillance américains, notamment en demandant la démission de trois membres démocrates du Privacy and Civil Liberties Oversight Board (PCLOB). Cette situation compromet les mécanismes de contrôle essentiels au bon fonctionnement du TADPF.
Clauses contractuelles types (CCT) : une alternative pour les prestataires non certifiés
Si le prestataire n'est pas certifié dans le cadre du TADPF, vous devez utiliser des clauses contractuelles types (CCT) mises à jour pour encadrer le transfert. Ces CCT ont été modernisées par la Commission européenne le 4 juin 2021 pour tenir compte des exigences du RGPD et de l'arrêt Schrems II.
Analyse d'impact sur les transferts de données (AITD)
Lorsque vous utilisez des CCT, vous devez effectuer une analyse d'impact sur les transferts (AITD) afin de vérifier que les lois américaines ne compromettent pas les garanties du RGPD. Cette analyse doit être réalisée par l'exportateur de données avec l'assistance de l'importateur, avant le transfert. L'AITD vise à évaluer si l'importateur pourra respecter ses obligations concernant le transfert au regard de la législation et des pratiques du pays tiers de destination.
Méthodologie de l'AITD
L'AITD doit suivre les six étapes préconisées par le Comité européen de la protection des données (CEPD) :
- Connaître son transfert : Identifier et décrire précisément le transfert de données
- Recenser l'instrument de transfert utilisé : Vérifier l'outil juridique approprié
- Évaluer la législation et les pratiques du pays de destination : Analyser le niveau de protection dans le pays tiers
- Identifier et adopter des mesures supplémentaires : Déterminer les garanties nécessaires
- Mettre en œuvre les mesures supplémentaires : Appliquer les protections identifiées
- Réévaluer à intervalles appropriés : Suivre l'évolution du niveau de protection
Mesures techniques pour protéger les données
Si nécessaire, des mesures techniques comme le chiffrement ou l'anonymisation doivent être mises en place pour éviter tout accès non autorisé, notamment par les services de renseignement américains. Le RGPD fait référence dans son article 32 à la pseudonymisation et au chiffrement comme mesures de sécurité appropriées.
Chiffrement et anonymisation des données
Le chiffrement permet de garantir que seules les personnes habilitées puissent accéder aux données. Il existe deux types principaux : le chiffrement symétrique utilisant une clé unique et le chiffrement asymétrique utilisant une paire de clés publique-privée. L'anonymisation, quant à elle, transforme les données personnelles de manière irréversible pour empêcher toute ré-identification.
La pseudonymisation est un traitement intermédiaire qui ne permet plus d'attribuer directement les données à une personne sans informations supplémentaires. Contrairement à l'anonymisation, la pseudonymisation est réversible et les données restent soumises au RGPD.
Évaluation de l'efficacité des mesures complémentaires
L'ensemble formé par les mesures supplémentaires et les CCT doit garantir un niveau de protection essentiellement équivalent à celui prévu dans l'Espace économique européen. Si aucune mesure supplémentaire ne peut garantir ce niveau de protection, l'exportateur doit éviter, suspendre ou mettre fin au transfert.
Obligation d'information des personnes concernées
Vous devez informer les personnes concernées que leurs données seront transférées hors de l'Union européenne et leur expliquer les garanties mises en place pour assurer leur protection. Cette information doit inclure l'identité du responsable du traitement, les finalités du traitement, la base légale, les destinataires des données, et le fait qu'un transfert vers un pays hors UE est envisagé avec les garanties appropriées.
Modalités d'information transparente
L'information doit être fournie de manière concise, transparente, compréhensible et aisément accessible. Elle peut être donnée par écrit, par voie électronique, ou même oralement si l'identité de la personne est vérifiée par d'autres moyens. Les modalités d'information doivent être adaptées au contexte et aux supports de collecte.
Droits des personnes concernées
Les personnes concernées disposent de droits spécifiques concernant leurs données transférées, notamment le droit d'accès, de rectification, d'effacement, de limitation du traitement, d'opposition, et de portabilité. Ces droits doivent pouvoir être exercés même lorsque les données sont transférées vers un pays tiers.
Perspectives d'évolution et recommandations
Le paysage juridique des transferts de données vers les États-Unis continue d'évoluer. Le prolongement récent de la section 702 du FISA jusqu'en 2026 et les changements politiques aux États-Unis soulèvent des questions sur la durabilité du TADPF. Le Comité européen de la protection des données surveille attentivement ces développements et a publié son premier rapport de révision du TADPF en novembre 2024.
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